HISTOIRE DES DERNIERS NAVIRES CONSTRUIT AUX CHANTIERS DE PORT DE BOUC
Histoire maritime par Pierre Dradjiotis.
Les derniers bateaux de la Transat lancés aux chantiers de Port de Bouc.
L'époque d'après-guerre fut cruciale pour la construction navale Française ; avec la loi Defferre, elle accordait des subventions et aides de l’État aux chantiers navals français en échange de moderniser les outils, mais, en restreignant les embauches, il fut aussi un temps décennal décisif, marquant, et difficile à la fois sur le plan humain et social et notamment pour l'avenir des chantiers ateliers de Provence de Port de Bouc, où en 1959 des mouvements de grève, contre la suppression de la dite loi, se succédaient. Les chantiers de Port de Bouc allaient subir la conséquence de plein fouet. En dépit de ce changement radical, avec un carnet de commandes jusque là bien rempli, mais qui allait se vider assez rapidement, par le fait d'une concurrence internationale impitoyable, aussi féroce que déloyale, avec un outil désuet, hors d'âge et le désengagement des propriétaires des chantiers, donc des banques. La sérénité sur le site allait décliner progressivement, l'atmosphère commençait à se tendre, à se dégrader, à se crisper même, l'inquiétude et la morosité s'installaient ainsi que le doute parmi le personnel. Malgré cette situation, dans cet espace de temps, il sera construit 38 cargos et un car-ferry, pour différentes compagnies de navigation française, dont la plus connue, la Compagnie Générale Transatlantique, surnommée la Transat ou French-Line, fidèle aux chantiers depuis 1910, lors de la construction du paquebot "Espagne". Malgré l'incertitude sur leur avenir les chantiers ateliers de Provence lanceront 19 navires pour la Transat, 4 cargos traditionnels de charges de 9.600t, conçus pour les lignes maritimes de la côte ouest des États-Unis d'Amérique et du Canada, aux noms prestigieux tels que "Magellan", "Maryland", "Michigan" et "Mississippi". On les surnomma les 4 M, avec des formes et des couleurs plus modernes, qui leur donnait une nouvelle silhouette. Puis 2 autres cargos de charges légèrement plus petits, le "Chicago" et le "Cleveland", aux formes différentes , avec une étrave renforcée en forme de brise glace, pour desservir les grands lacs nord-américains, aux conditions extrêmes l'hiver. Ces 6 bateaux s'intercaleront entre 12 cargos bananiers, 10 isothermes et 2 polythermes, avec des noms faisant références à des lieux d'outre-mer, avec plein d'histoires coloniales, comme "Fort Richelieu", "Fort Desaix", "Fort Caroline", "Fort Royal", "Fort Frontenac", "Fort Niagara", "Fort de France", "Fort Fleur d'Epée", "Fort Crève-cœur", "Fort d'Orléans", je crois qu'ils sont dans l'ordre. Et 2 cargos bananiers polythermes, le "Fort Joséphine" et le "Fort Trinité" aux formes différentes et plus harmonieuses, avec un bulbe au bas de l'étrave et aux caractéristiques techniques plus importantes et plus avancées. 2 décennies plus tard, plus adaptés aux transports modernes, ils seront vendus et partiront à la démolition. Et le dernier un car-ferry du nom de "Provence" ! Ce nom est gravé dans nos mémoires et sur l'un des murs de la Respelido, ou une fresque géante symbolise une époque de lutte ouvrière impitoyable et dure pour la survie des chantiers et implacable pour sauver les emplois. Malheureusement ce combat était perdu d'avance ; il laissera des traces sur l'environnement et sur le personnel. Ce nom raisonne dans nos têtes et nos cœurs sont remplis de tristesse et d'amertume, d'une histoire au goût d'inachevée, pleine d'impuissance, d'abandon et de ressentiment. Il fut le dernier bateau construit aux chantiers et ateliers de Provence à Port de Bouc pour la Transat. "Provence" ! Tu porteras ton nom que pour ton lancement, dans la colère et avec attente. Ou est-il ce jour de liesse ? Ou sont-ils les aspects d'une ville en fête ? Comme dans le bon vieux temps pour chaque lancement ! Pas de pavois, pas de bénédiction, pas d'éclaboussures de champagne, pas de Marseillaise ! Rien ! Que le silence imposant, sans bruit, avec en guise de drapeaux, quelques banderoles accrochées sur le haut de ton étrave flottant au vent, tu as glissé en silence vers ton élément, pas d'applaudissement, pas de cris de joie, dans les regards on distinguait une muette interrogation avec beaucoup de rancœur et d'incertitude. Quelques temps après ta coque sera remorquée aux chantiers de La Ciotat pour ton aménagement et tes finitions et en comité restreint, le 30 juillet 1966 tu seras baptisé "Comté de Nice" et en catimini tu prendras la mer .....Il assurera pendant plus de 18 ans les liaisons entre Corse et continent et les traversées vers l'Algérie. Vendu en 1983, il passe sous pavillon grec avec le nom de Naias II, puis Express Naias où il desservira pendant 17 ans les îles de la mer Égée au départ du Pirée. Après 35 ans de navigation et de services, plus conforme aux norme de la navigation de l'U.E, en 2001 il est acheminé aux chantiers de démolition de Aliaga en Turquie. Ainsi disparaît la dernière trace de bateaux réalisés aux chantiers de Port de Bouc. Et là, avec un pincement au cœur, avec nostalgie de cette époque passé, se ferme définitivement le livre de la construction navale à Port de Bouc. Elle aura durée un peu plus d'un demi-siècle, 67 ans exactement, avec des moments de prospérité, qui ont permis à la ville de se développer dans la sérénité, pour le bien de tous, bien sur avec des périodes sombres, les 2 guerres mondiales et de lutte, tel que le front populaire en 1936, le lock-out de 1949 et le fermeture des chantiers en 1966, tous ces évènements ont marqués profondément notre ville, elle a été souvent touchée, ébranlée même et avec courage et volonté elle s'est toujours relevée. Tous ces bateaux en leur temps en sillonnant pendant un demi-siècle et plus tous les océans et mers du globe, ont fait connaître et envier cette petit ville et ses chantiers navals pluriethniques, aux capacités manuelles et intellectuelles extraordinaires, mais limités en espace.
Aujourd'hui, à cet endroit où l'on construisait des bateaux, où plusieurs fois par jour, le temps était rythmé par les sirènes et les bruits caractérisés aux chantiers navals, au savoir faire qui n'était plus à démontrer, où une foule bigarrée venait assister au spectacle exceptionnel d'un lancement de bateau, à la place a été créé un lieu de rencontres de promenades et de plaisirs où fusionnent les bruits du passé, du présent, avec un avenir à découvrir, ou les images et souvenirs d'antan s'estompent inexorablement en essayant de résister au temps, ce temps notre ennemi commun.
Voilà écrit succinctement, avec mon vécu, mes connaissances et mes souvenirs, l'histoire des derniers navires de la Compagnie Générale Transatlantique construits à cette époque avec un brin d'histoire des chantiers ateliers de Provence C.A.P. de Port de Bouc.
Quelques photos de ces bateaux de la Transat , le Michigan aux agglos, le Magellan, le Cleveland, le Fort Trinité et le Provence sous pavillon grec.
Pierre Dradjiotis
https://marsactu.fr/escales-a-port-de-bouc-lage-dor-des-chantiers-navals-un-passe-deja-lointain/
HISTOIRE DES DERNIERS NAVIRES CONSTRUIT AUX CHANTIERS DE PORT DE BOUC
2024-02-01 12:35:00
www.hydros-alumni.org
https://www.hydros-alumni.org/medias/image/5657514085d288b9e20183.jpg
2024-02-01 12:37:33
2024-01-26 14:36:26
François JOUANNET
Histoire maritime par Pierre Dradjiotis.Les derniers bateaux de la Transat lancés aux chantiers de Port de Bouc.L'époque d'après-guerre fut cruciale pour la construction navale Française ; avec la loi Defferre, elle accordait des subventions et aides de l’État aux chantiers navals français en échange de moderniser les outils, mais, en restreignant les embauches, il fut aussi un temps décennal décisif, marquant, et difficile à la fois sur le plan humain et social et notamment pour l'avenir des chantiers ateliers de Provence de Port de Bouc, où en 1959 des mouvements de grève, contre la suppression de la dite loi, se succédaient. Les chantiers de Port de Bouc allaient subir la conséquence de plein fouet. En dépit de ce changement radical, avec un carnet de commandes jusque là bien rempli, mais qui allait se vider assez rapidement, par le fait d'une concurrence internationale impitoyable, aussi féroce que déloyale, avec un outil désuet, hors d'âge et le désengagement des propriétaires des chantiers, donc des banques. La sérénité sur le site allait décliner progressivement, l'atmosphère commençait à se tendre, à se dégrader, à se crisper même, l'inquiétude et la morosité s'installaient ainsi que le doute parmi le personnel. Malgré cette situation, dans cet espace de temps, il sera construit 38 cargos et un car-ferry, pour différentes compagnies de navigation française, dont la plus connue, la Compagnie Générale Transatlantique, surnommée la Transat ou French-Line, fidèle aux chantiers depuis 1910, lors de la construction du paquebot "Espagne". Malgré l'incertitude sur leur avenir les chantiers ateliers de Provence lanceront 19 navires pour la Transat, 4 cargos traditionnels de charges de 9.600t, conçus pour les lignes maritimes de la côte ouest des États-Unis d'Amérique et du Canada, aux noms prestigieux tels que "Magellan", "Maryland", "Michigan" et "Mississippi". On les surnomma les 4 M, avec des formes et des couleurs plus modernes, qui leur donnait une nouvelle silhouette. Puis 2 autres cargos de charges légèrement plus petits, le "Chicago" et le "Cleveland", aux formes différentes , avec une étrave renforcée en forme de brise glace, pour desservir les grands lacs nord-américains, aux conditions extrêmes l'hiver. Ces 6 bateaux s'intercaleront entre 12 cargos bananiers, 10 isothermes et 2 polythermes, avec des noms faisant références à des lieux d'outre-mer, avec plein d'histoires coloniales, comme "Fort Richelieu", "Fort Desaix", "Fort Caroline", "Fort Royal", "Fort Frontenac", "Fort Niagara", "Fort de France", "Fort Fleur d'Epée", "Fort Crève-cœur", "Fort d'Orléans", je crois qu'ils sont dans l'ordre. Et 2 cargos bananiers polythermes, le "Fort Joséphine" et le "Fort Trinité" aux formes différentes et plus harmonieuses, avec un bulbe au bas de l'étrave et aux caractéristiques techniques plus importantes et plus avancées. 2 décennies plus tard, plus adaptés aux transports modernes, ils seront vendus et partiront à la démolition. Et le dernier un car-ferry du nom de "Provence" ! Ce nom est gravé dans nos mémoires et sur l'un des murs de la Respelido, ou une fresque géante symbolise une époque de lutte ouvrière impitoyable et dure pour la survie des chantiers et implacable pour sauver les emplois. Malheureusement ce combat était perdu d'avance ; il laissera des traces sur l'environnement et sur le personnel. Ce nom raisonne dans nos têtes et nos cœurs sont remplis de tristesse et d'amertume, d'une histoire au goût d'inachevée, pleine d'impuissance, d'abandon et de ressentiment. Il fut le dernier bateau construit aux chantiers et ateliers de Provence à Port de Bouc pour la Transat. "Provence" ! Tu porteras ton nom que pour ton lancement, dans la colère et avec attente. Ou est-il ce jour de liesse ? Ou sont-ils les aspects d'une ville en fête ? Comme dans le bon vieux temps pour chaque lancement ! Pas de pavois, pas de bénédiction, pas d'éclaboussures de champagne, pas de Marseillaise ! Rien ! Que le silence imposant, sans bruit, avec en guise de drapeaux, quelques banderoles accrochées sur le haut de ton étrave flottant au vent, tu as glissé en silence vers ton élément, pas d'applaudissement, pas de cris de joie, dans les regards on distinguait une muette interrogation avec beaucoup de rancœur et d'incertitude. Quelques temps après ta coque sera remorquée aux chantiers de La Ciotat pour ton aménagement et tes finitions et en comité restreint, le 30 juillet 1966 tu seras baptisé "Comté de Nice" et en catimini tu prendras la mer .....Il assurera pendant plus de 18 ans les liaisons entre Corse et continent et les traversées vers l'Algérie. Vendu en 1983, il passe sous pavillon grec avec le nom de Naias II, puis Express Naias où il desservira pendant 17 ans les îles de la mer Égée au départ du Pirée. Après 35 ans de navigation et de services, plus conforme aux norme de la navigation de l'U.E, en 2001 il est acheminé aux chantiers de démolition de Aliaga en Turquie. Ainsi disparaît la dernière trace de bateaux réalisés aux chantiers de Port de Bouc. Et là, avec un pincement au cœur, avec nostalgie de cette époque passé, se ferme définitivement le livre de la construction navale à Port de Bouc. Elle aura durée un peu plus d'un demi-siècle, 67 ans exactement, avec des moments de prospérité, qui ont permis à la ville de se développer dans la sérénité, pour le bien de tous, bien sur avec des périodes sombres, les 2 guerres mondiales et de lutte, tel que le front populaire en 1936, le lock-out de 1949 et le fermeture des chantiers en 1966, tous ces évènements ont marqués profondément notre ville, elle a été souvent touchée, ébranlée même et avec courage et volonté elle s'est toujours relevée. Tous ces bateaux en leur temps en sillonnant pendant un demi-siècle et plus tous les océans et mers du globe, ont fait connaître et envier cette petit ville et ses chantiers navals pluriethniques, aux capacités manuelles et intellectuelles extraordinaires, mais limités en espace. Aujourd'hui, à cet endroit où l'on construisait des bateaux, où plusieurs fois par jour, le temps était rythmé par les sirènes et les bruits caractérisés aux chantiers navals, au savoir faire qui n'était plus à démontrer, où une foule bigarrée venait assister au spectacle exceptionnel d'un lancement de bateau, à la place a été créé un lieu de rencontres de promenades et de plaisirs où fusionnent les bruits du passé, du présent, avec un avenir à découvrir, ou les images et souvenirs d'antan s'estompent inexorablement en essayant de résister au temps, ce temps notre ennemi commun. Voilà écrit succinctement, avec mon vécu, mes connaissances et mes souvenirs, l'histoire des derniers navires de la Compagnie Générale Transatlantique construits à cette époque avec un brin d'histoire des chantiers ateliers de Provence C.A.P. de Port de Bouc. Quelques photos de ces bateaux de la Transat , le Michigan aux agglos, le Magellan, le Cleveland, le Fort Trinité et le Provence sous pavillon grec.Pierre Dradjiotishttps://www.archives-films-paca.net/memoire-chantiers-navals/interviews-et-ressources/histoire-des-chantiers-navals-en-provence/item/1046-histoire-des-chantiers-navals-de-port-de-bouc.htmlhttps://marsactu.fr/escales-a-port-de-bouc-lage-dor-des-chantiers-navals-un-passe-deja-lointain/

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