REVUE NATIONALE STRATÉGIQUE 2025

INTRODUCTION :

1. La situation internationale a connu de profonds bouleversements depuis la publication de la revue nationale stratégique de 2022.  

2. L’accélération de la dégradation de l’environnement sécuritaire mondial s’est encore confirmée en raison de la simultanéité, de la multiplication, de l’interpénétration, de la convergence et du durcissement des conflits (Ukraine, Proche et Moyen-Orient, Asie, Afrique, etc.), d’un accroissement inédit des menaces transnationales (terrorisme, criminalité organisée, séparatisme, etc.) et de la combinaison d’enjeux (climatiques, migratoires, énergétiques, commerciaux, etc.).

3. La Russie, en particulier, menace le plus directement aujourd’hui et pour les années à venir les intérêts de la France, ceux de ses partenaires et alliés, et la stabilité même du continent européen et de l’espace euro-atlantique. En effet, en Ukraine, Moscou poursuit une guerre d’agression sans retenue, qui a entraîné près d’un million de morts et de blessés, en bombardant la population et les infrastructures civiles, en envoyant sur le front des troupes nord-coréennes pour combattre directement sur le continent européen, en se reposant sur la République islamique d’Iran pour partie de ses équipements militaires, tout en faisant usage d’une stratégie d’intimidation nucléaire irresponsable et désinhibée. Le renforcement de ses armées se poursuit de façon accélérée pour recompléter les nombreux matériels détruits en Ukraine mais également pour développer de nouvelles capacités et renforcer son arsenal à l’horizon 2030.  

4. Par ailleurs, la Russie emploie tous les moyens pour fragiliser le soutien à l’Ukraine et remettre en cause l’ordre international à son propre profit. Moscou mène à ce titre des actions hostiles et subversives en Europe. La Russie organise ou sert de sanctuaire pour l’organisation d’attaques numériques, par exemple contre nos hôpitaux et certaines de nos installations énergétiques, cible et assassine des opposants en exil, manipule ou tente de manipuler certaines élections, et tente d’influencer les opinions pour déstabiliser nos sociétés.  

5. Enfin, et plus largement, c’est bien le modèle européen de démocratie libérale et d’humanisme qui est aujourd’hui attaqué et contesté dans une offensive idéologique globale. Au sein même de l’Union européenne (UE), cette offensive obère notre capacité d’action collective.

6. Au-delà, les actions déstabilisatrices de l’Iran ont créé les conditions d’une guerre généralisée au Proche et Moyen-Orient. La Chine a également durci sa posture dans l’optique de devenir la première puissance mondiale à l’horizon 2050 entraînant de fait des transformations majeures de l’environnement géopolitique et technologique mondial.

7. Face à ces actions, il est désormais clair que nous entrons dans une nouvelle ère, celle d’un risque particulièrement élevé d’une guerre majeure de haute intensité en dehors du territoire national en Europe, qui impliquerait la France et ses alliés en particulier européens, à l’horizon 2030, et verrait notre territoire visé en même temps par des actions hybrides massives.

8. Il est vital de se préparer à cette hypothèse : la France et les Européens doivent être capables de mieux se défendre et de dissuader toute nouvelle agression russe sur le continent. L’Union européenne et ses États membres ont considérablement renforcé leur action en matière de défense et multiplié la création de nouveaux instruments à leur disposition pour accompagner cet effort. Cette montée en puissance au service d’une Europe prête à faire face à des menaces renouvelées continuera d’être activement soutenue par la France.  

9. Pour ce faire, la transformation capacitaire de nos armées et de notre base industrielle technologique de défense doit être menée à son terme aussi bien au niveau national qu’au niveau européen. À certains égards, cette transformation doit être une véritable révolution : nous devons changer d’échelle dans les montants consacrés à la défense, penser autrement notre modèle et mettre en place une industrie de défense agile. En particulier, il faut disposer de structures d’acquisition performantes et modernisées pour favoriser l’innovation et l’adaptation réactive quand cela est nécessaire.  

10. Les évolutions observées dans la façon de conduire les guerres récentes doivent être prises en compte. Les futures capacités qu’il conviendra de posséder pour disposer de l’armée la plus efficace du continent, préparée à agir en coalition avec ses alliés et partenaires, doivent être pensées et développées sans délai. Ces transformations devront permettre de disposer de tous les matériels nécessaires, en quantité suffisante, dans des cycles de production les plus réduits possibles. Les capacités stratégiques de nos armées seront renforcées et la dissuasion nucléaire modernisée.  

11. Pour soutenir cet effort, il est indispensable que la Nation tout entière se mobilise pour faire face aux possibles rétroactions qu’un tel conflit entraînerait sur le territoire national. Cela passera par un renforcement de la résilience de la France, une implication de ses citoyens pour sa défense et sa sécurité nationale, par une mobilisation globale et par un véritable réarmement moral de la population, notamment de la jeunesse.  

12. Par ailleurs, les priorités américaines de politique étrangère centrées depuis plusieurs années autour de la Chine, qui constitue un réel défi stratégique, et affichées de manière encore plus explicite par la nouvelle administration, créent des incertitudes qui se sont déjà matérialisées dans l’évolution de la position de Washington à l’égard de l’Ukraine et doivent donc durablement et structurellement être intégrées par les Européens.

13. L’Europe est en effet à un tournant majeur de son histoire. Aussi, les Européens doivent endosser une responsabilité accrue dans la sécurité du continent et mettre en œuvre tous les moyens à leur disposition pour mieux se défendre et dissuader de toute nouvelle agression, quelles que soient les évolutions de nos partenariats avec les États-Unis et avec l’OTAN, auxquels nous restons profondément attachés. Cela passe par l’indispensable renforcement du pilier européen au sein de l’Alliance atlantique et la poursuite des efforts pour augmenter les dépenses militaires et de sécurité nationale. L’Europe ne peut pas monter en puissance dans la prise en charge de sa propre sécurité et de la paix sur le continent sans investir massivement dans son outil de défense et de sécurité nationale pour augmenter sa résilience. Cela suppose une ambition claire en matière de préférence européenne que la France continuera de porter dans tous les instruments visant à construire l’autonomie stratégique européenne.  

14. De même, l’Europe, pour être plus souveraine doit disposer des moyens pour produire les équipements dont elle a besoin, en changeant résolument d’échelle, en développant et en acceptant le cas échéant de choisir des champions européens dans les domaines essentiels, pour accroître sa profondeur stratégique, l’échelle et la compétitivité – ce qui suppose des choix courageux et l’acceptation de dépendances mutualisées, maîtrisées avec nos partenaires, mais pour lesquels la qualité des industries françaises sera un atout.  

15. L’innovation et le développement des technologies de rupture stratégiques, ne pourra se faire qu’à la condition d’investir suffisamment et de mieux coordonner nos actions pour trouver le juste équilibre entre innovation et régulation. Les Européens, pour conserver leur rang dans le monde et promouvoir leur modèle, doivent là encore s’unir et lancer ensemble un véritable choc de compétitivité.

16. Cette cohésion et cette solidarité européenne sont d’autant plus essentielles que le risque de guerre économique et technologique a significativement augmenté depuis plusieurs mois, faisant peser des risques sur des pans entiers de notre autonomie et de notre souveraineté.  

17. Face à ces défis, l’actualisation de la revue nationale stratégique 2025, analyse l’évolution du contexte stratégique, ses conséquences pour la France et ses partenaires et présente l’ambition à atteindre à l’horizon 2030 pour garantir la défense et la sécurité de notre Nation et de l’Europe, en lien avec les efforts consentis par ses partenaires et alliés.  

18. Cette ambition se décline en onze objectifs stratégiques, qui seront mis en œuvre simultanément, et déclinés au moyen d’éléments concrets présentés dans la troisième partie du document.

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