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RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES SUR LE GRAND PORT MARITIME DE NANTES SAINT-NAZAIRE

Information générale

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18/09/2025

SYNTHÈSE

Quatrième port de France, troisième port pétrolier français et premier port de la façade atlantique, le grand port maritime de Nantes Saint-Nazaire (GPMNSN) a été créé sous sa forme actuelle par le décret n°2008-1035 pour succéder au port autonome de Nantes Saint-Nazaire. Signe du rôle du port dans le développement territorial et de l’implication des collectivités dans sa gouvernance, le conseil de surveillance du GPMNSN est présidé par la présidente de région.

L’activité du grand port maritime (GPM) est fortement handicapée par un contexte social tendu, qui se traduit par des défaillances dans la politique de ressources humaines et un dérapage des effectifs et des charges de personnel. L’activité du port est marquée par des blocages récurrents liés à des préavis de grèves qui couvrent la quasi-totalité de l’année et des grèves qui s’accompagnent de violences verbales et physiques.

Les défaillances de la politique de ressources humaines se sont traduites par un dérapage des effectifs et par la multiplication des mesures de création ou de revalorisation de primes. Sur la période 2017-2023, l’effectif du GPM a augmenté de 16 %, les deux tiers de cette progression correspondant à des créations de poste à l’issue de négociations avec les organisations syndicales, dans le cadre de préavis de grèves. Les postes créés ne répondent souvent pas à un besoin identifié par le port et doublonnent parfois des activités existantes (surveillance) ou augmentent des effectifs dont la productivité est déjà faible (ateliers).

La progression des effectifs, couplée à la revalorisation des salaires de base et des primes, dont un nombre important manque de base juridique, a conduit à une augmentation de plus de 50 % des charges de personnel entre 2017 et 2024. Ces dernières représentent ainsi près des deux tiers du chiffre d’affaires, soit 20 % de plus qu’en moyenne dans les autres GPM métropolitains. L’adaptation de l’effectif aux besoins réels de l’activité est donc nécessaire. Enfin, des dysfonctionnements importants sont constatés, en particulier vis-à-vis du contrôle du temps de travail et de l’absentéisme.

En matière de sécurité et de sûreté, le port n’est pas épargné par l’intensification des narcotrafics et doit rehausser son niveau de contrôle. Si la direction a pris conscience de cette nécessité, les conditions d’exécution des activités portuaires dans la zone dédiée aux conteneurs et au terminal roulier, à Montoir, exigent une remise à plat de la relation avec le prestataire privé TGO. Par ailleurs l’existence d’une équipe chargée de la « supervision du domaine » créée dans des conditions problématiques, et dont les activités font redondance avec les prestataires dûment habilités pour ces missions, crée des dysfonctionnements auxquels il convient de mettre fin. Enfin, le port, dont les niveaux d’effectifs et de chiffre d’affaires avoisinent désormais les critères fixés par la loi Sapin II, est invité à s’inspirer dès à présent des dispositifs de prévention inscrits dans la loi, dans la perspective de sa mise en œuvre prochaine et compte tenu du contexte avéré de trafics.

La rentabilité du GPMNSN, dont le modèle est fortement dépendant des énergies fossiles, s'est nettement dégradée entre 2017 et 2024 : le résultat d’exploitation, qui atteignait 14,7 % du chiffre d’affaires en 2017, a reculé à seulement 3,4 % en 2024, après deux années consécutives de pertes en 2020 et 2021. Cette détérioration s’explique principalement par une augmentation excessive des charges d’exploitation. Celles-ci ont progressé de 55,5 % entre 2017 et 2024, en grande partie du fait de la hausse des charges de personnel. Dans le même temps, la progression des produits d’exploitation n’a été que de 42,3 %, en dépit d’une progression importante des revenus tirés des domaines et des concessions et, dans une moindre mesure, de la dotation de l’État. Si le résultat d’exploitation est redevenu légèrement positif depuis 2022, les marges restent faibles, ce qui met en évidence la nécessité pour le port de mieux contrôler ses coûts et de diversifier ses sources de revenus, pour restaurer une rentabilité durable.

Dans la gestion quotidienne, l’absence de module de suivi des achats et marchés interfacé avec le progiciel de gestion intégré nuit à la formalisation et à la traçabilité des procédures de passation des marchés publics ainsi qu’au suivi rigoureux des engagements et des achats. Cette situation limite la capacité du port à disposer d’une vision consolidée, fiable et réactive de sa gestion financière et de sa commande publique.

L’activité du port est fortement dépendante des énergies fossiles, dont les trafics tendent à diminuer de manière structurelle. Malgré un trafic de vracs et un trafic roulier significatifs, 70 % de l’activité du port relève du trafic d’énergies fossiles, à travers les trois sites énergétiques implantés dans la zone industrialo-portuaire : la raffinerie pétrolière de Donges, le terminal méthanier Elengy et la centrale à charbon de Cordemais. Le trafic portuaire est donc fortement vulnérable aux aléas intervenant sur ces sites (fermetures techniques ou économiques) ou sur les marchés énergétiques en général (hausse des prix mondiaux ou européens, impactant le trafic à la baisse), variables sur lesquelles le port ne dispose d’aucune marge d’action.

L’objectif de développement du trafic conteneurisé, que s’était donné le port afin de consolider son activité, est un échec, ce dernier ayant décru sur la période, au lieu d’augmenter comme prévu par la convention d’exploitation du terminal. Les objectifs de cette convention étaient par ailleurs non contraignants et le port n’est pas parvenu à exiger de l’exploitant du terminal les investissements nécessaires pour renforcer les infrastructures défaillantes d’accueil des porte-conteneurs et garantir l’attractivité de la place portuaire après des armateurs. L’augmentation du trafic de conteneurs, mais aussi de denrées agricoles, devait par ailleurs s’appuyer sur un développement de l’offre de fret ferroviaire en pré et post acheminement : il est demeuré limité, du fait de décisions nationales et régionales qui échappent au port.

Dans le cadre de son projet stratégique 2021-2026, le port tente de réinventer son modèle économique en développant ses ressources domaniales et en faisant, avec le projet de quai Eole, un pari non dénué de risques sur sa capacité à devenir un acteur majeur de la future filière de l’éolien en mer. Le succès de ce dernier projet, dépend notamment de la vitesse effective de déploiement de la stratégie éolienne et de la fiabilité technique du port. Il dépend également de la capacité à mobiliser des financements exceptionnels : l’investissement pour le quai, dont l’estimation a fortement évolué et qui s’élève aujourd’hui à 235 M€ (pour un chiffre d’affaires du port de 95 M€), n’est en effet à ce stade financé qu’à hauteur de 35 M€ par le contrat de plan État-région. Enfin, la rentabilité financière du projet pour le port reste à ce stade incertain : elle ne saurait reposer uniquement sur les montants de subvention publique espérés de l’appel à projet « ports » de l’ADEME et dépendra également de la capacité du port à développer des usages hors éolien en mer pour le quai.

Pour réussir sa transition économique et répondre au défi de la décarbonation, le port devra dans tous les cas consentir à des arbitrages majeurs, entre entretenir des sites coûteux et investir dans de nouveaux projets. Le niveau d’ambition d’un projet comme Eole marque un changement d’échelle et impose de remettre en adéquation l’ensemble des besoins d’investissement et les modes de financement associés. Le port doit en effet également établir un plan d’adaptation au changement climatique et intégrer les contraintes croissantes en matière de protection de la biodiversité et de réduction de l’artificialisation des sols. Il conviendra aussi de clarifier l’avenir des sites nantais, dont le trafic et le chiffre d’affaires sont limités, alors qu’ils présentent un potentiel foncier important.

Cette transformation du modèle économique du port requiert un engagement accru de la part de la tutelle, dont l’implication dans la gouvernance ainsi que dans la définition et la mise en œuvre des orientations stratégiques du port est demeurée trop limitée jusqu’à présent. En dépit d’un contexte difficile et de tensions sociales bien connues entre 2017 et 2024, aucune lettre de cadrage explicite n’a été transmise par la tutelle aux présidents du directoire successifs, que ce soit en termes d’objectifs industriels du port ou d’objectifs de gestion tels que le suivi des effectifs, la politique de rémunération ou la progression des charges. Un appui de la tutelle sera aussi nécessaire pour mener à bien le projet Eole, notamment pour structurer la coopération avec les autres ports de la façade atlantique, aujourd’hui très faible.

Si le port conserve une vocation nationale en matière d’approvisionnement énergétique, son avenir se joue dans sa capacité à réussir la conversion de son modèle économique.



Retrouvez le rapport en pièce-jointe.

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